Les conflits surviennent couramment entre voisins, et ce, malgré les efforts déployés pour conserver des relations harmonieuses. Lorsqu’on habite un logement, la proximité des occupants des autres unités peut rapidement devenir problématique dû aux bruits environnants : jappements de chien continuels, musique qui fait vibrer les murs, chicanes qui durent toute la nuit…
Bruits anormaux?
Bien que les voisins soient tenus de tolérer les inconvénients normaux[1] qui peuvent survenir compte tenu de la proximité des autres locataires, comme des bruits de pas dans les couloirs ou les cris et rires d’enfants, ces sons ne doivent évidemment pas excéder les limites raisonnables de la tolérance. Il est souvent complexe de déterminer ce qui constitue un bruit acceptable ou normal, à l’opposé de ce qui est considéré intolérable par le commun des mortels.
Prévenir les conflits
Il est impératif pour tout locataire de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires. Par exemple, il peut s’agir d’éviter les bruits anormaux ou intempestifs durant la nuit, comme des électroménagers bruyants, ou un téléviseur à un volume élevé. Lorsqu’une personne vit majoritairement de nuit, il est essentiel qu’elle s’efforce de minimiser les bruits qui pourraient déranger les voisins
Dans le cas où une nuisance sonore indispose sérieusement un autre locataire, ou même le propriétaire, le locataire fautif a l’obligation de réparer les dommages causés. La même règle s’applique lorsque le préjudice causé par les comportements d’autres occupants ayant accès aux lieux loués. Le locataire doit, en effet, s’assurer que les personnes qui cohabitent avec lui, ou ses invités, ne troublent pas non plus la jouissance normale des autres locataires.
1 Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 976
Quels recours?
Pour avoir droit à une diminution de loyer ou, dans les cas plus graves, à la résiliation du bail, la personne qui loue un logement doit tout d’abord dénoncer au propriétaire la situation problématique et celle-ci doit, ensuite, perdurer dans le temps. Il est aussi possible que le propriétaire soit forcé de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser définitivement les bruits provenant du logement du locataire fautif.
Dans l’affaire Prampin Bellegardec. El-Souki[1], une locataire demande au tribunal de rendre une ordonnance pour que cessent les bruits qu’elle considère excessifs provenant du logement numéro 12 qui est situé directement au-dessus du sien. Les propriétaires, peu après, demandent à leur tour une ordonnance similaire, mais dirigée contre la locataire. Ils souhaitent en effet que la locataire cesse d’importuner les occupants du logement numéro 12, entre autres en cognant au plafond avec un balai lorsqu’ils vont à la salle de bain ou marchent dans les couloirs. Selon eux, elle serait tout simplement intolérante aux moindres sons, même les plus normaux. Lors de son témoignage, la locataire explique qu’elle habite cet appartement avec sa famille depuis 23 ans et que, depuis l’arrivée des locataires du haut, des bruits très forts qui ressemblent à des altères échappées sur le plancher les réveillent, elle et sa famille, en plein milieu de la nuit. Après délibération, la juge administrative déclare que les bruits qui proviennent du logement numéro 12 sont clairement anormaux et ordonne aux propriétaires de les faire cesser, tandis qu’elle rejette les demandes des propriétaires.
Dans une autre décision, Habitat Métis du Nord c. Tanguay[1], la locataire habitant le deuxième étage, Mme Tanguay, troublerait la quiétude de celle qui loue le rez-de-chaussée, Mme Cantin. C’est le bruit excessif qui dure depuis plusieurs années qui a contraint la propriétaire à intenter cette demande pour remédier à la situation. À de multiples occasions, que ce soit lorsque Mme Cantin passe l’aspirateur, qu’elle reçoit sa famille pour les fêtes ou qu’elle écoute la télévision, la locataire du haut frapperait violemment le plancher, ce qui causerait des bruits exagérément sonores. Même la musique écoutée par le mari de Mme Cantin déclenche des représailles. Le couple a été sérieusement secoué par ce tapage, à tel point qu’ils ne peuvent trouver de tranquillité qu’à leur chalet où ils s’exilent pendant plusieurs mois par année. La juge administrative constate durant l’audience l’ampleur des sons qu’ils ont à endurer grâce aux enregistrements de Mme Cantin et qualifie les témoignages du couple d’éloquents. Elle déclare alors la résiliation du bail de Mme Tanguay ainsi que son expulsion.
2 Habitat Métis du Nord c. Tanguay, 2021 QCTAL 8280
3 Prampin Bellegarde c. El-Souki, 2022 QCTAL 7700